Consultations mieux-être à distance

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Ode au frère jumeau perdu, par Elisabeth Berwart

Qui de nous deux est mort?

Tu es je suis vivante

C'est qui "je"?

 

Petit frère, depuis 43 ans je te porte en moi. C'est doux, c'est chaud , c'est bon, c'est fort, c'est rassurant. Et pourtant, c'est si lourd à porter. Je me veux double, androgyne, hermaphrodite. Je te maintiens en vie artificiellement depuis trop longtemps. C'est absurde, je le sais, mais je ne peux pas te lâcher.

 

Je ne veux pas te lâcher. Si je te lâche, peut-être que je vais te suivre... Non. Je suis vivante et tu es mort. En te laissant enfin partir, je cours le risque d'enfin me trouver. Je ne prends pas ce risque parce qu'une partie de moi est persuadée que je vais me perdre, me dissoudre avec toi.

 

Petit frère, je ne connais même pas ton nom...

Tu es là, je le sais, je le sens, tu ne m'as jamais vraiment quitté. Alors pourquoi est-ce que je me sens malgré tout si cruellement seule ?

 

Je suis restée seule. C'est moi le sujet de la phrase. Je ne peux m'accorder au verbe car j'ai perdu en chemin mon complément d'amour direct.

 

Et pourtant, la simple phrase "je vis" est une phrase complète. Ici, le sujet n'a pas besoin de complément, il existe entièrement par lui-même et pour lui-même, dans ce qu'il est, dans ce qu'il fait : il vit !

 

Je sais que ce n'est pas toi qui t'accroches à moi, c'est  moi qui m'accroche à toi, dans la merveilleuse et douloureuse absurdité de l'amour. En t'accordant le droit d'être vraiment mort, je m'accorderais le droit d'être vraiment en vie.

 

Pourquoi est-ce que je nous refuse ça ?

 

Ma conduite est une insulte à ce qui nous relie. En tant que jumeau, je sais que tu désires tout ce qu'il y de mieux pour moi... Et moi, je choisis souvent le pire... C'est un bien piètre hommage que je te rends.

 

Cependant, je ne peux que constater que la vie, ma vie a été la plus forte. 43 ans après ton départ, je suis toujours là. Je paie le prix, mais je suis toujours là. Non, je ne t'ai  pas suivi. Et c'est bien ainsi.

 

Cette prise de conscience, cette révélation de ta présence est toute neuve. Aussi, je te demande de m'accorder encore un peu de temps. Je vais apprendre à faire le deuil pour enfin vivre par moi-même et pour moi-même, en tant que moi-même, en tant que femme, sans ambiguïté. Je me suis trop souvent appropriée à tort ton identité sexuelle. Elle ne m'appartient pas. Je te la rends. Je suis une femme, pleinement, même si c'est encore difficile d'y croire, pleinement.

 

Je te demande de tout mon coeur, au nom du lien indissoluble qui nous unit, de m'aider. Aide-moi à faire quelque chose de bien de ma vie. Aide-moi à te lâcher pour que notre fraternité se vive enfin sous le signe de l'amour et non plus sous celui de la mort.

 

Je t'aime plus que tout au monde. Mais accepter ta mort signifie accepter pleinement ma vie. En refusant d'admettre la réalité, j'ai créé entre nous 43 ans de séparation douloureuse.

 

Je te prends aujourd'hui, tel que tu es, mon frère jumeau décédé. Je dis oui à ce qui est, et relie de ce fait mon âme à ton âme, pour l'éternité. Donne-moi le temps, la patience, la force et le courage.

 

Au nom de l'amour qui nous relie, je prends aujourd'hui ma vie en main, en tant que femme adulte. Pour l'amour de toi, pour l'amour de moi, j'en ferai quelque chose de bien. Je te le promets. Tu restes pour toujours dans la chaleur de mon coeur, mon frère bien-aimé. Merci d'être toi. Merci de m'avoir accompagné, pendant le temps qui nous était important. Je l'honore et je te rends à ton destin. Tu es mort, moi je vais vivre encore un peu et puis je viendrai aussi.

 

Tu me manques tellement... Mais au bout de mes larmes, je te fais mon plus beau sourire et je m'autorise dès aujourd'hui à voir en toi une ressource et non plus une absence.

 

Je t'aime.

 

Elisabeth, en janvier 2001

 

 

 

 

 


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